Journal de bord.
Mme Thérèse de Clerq-Ullrich.
Professeur d’Histoire – Géographie.
Chères toutes et chers tous !
Je vous envoie quelques notes prises "life" au Vietnam en 1975 par votre très "dévouée" prof. de géo + hist., Thérèse De Clercq… Ces notes, je les ai retrouvées dans mon calepin – journal de bord.
Avril 75.
Huong s’amuse comme une folle avec les enfants de Thi Soc Catherine venus en vacances chez moi. Je fais entendre un gospel à qui veut l’entendre… Quel rythme ! Ce matin j’ai acheté un gong. Si les Viêt Công arrivent, je leur jouerai un air de gong!
Depuis le 4 avril, il y a eu encore des attaques.
Mardi 8 avril 1975.
J’étais en salle des prof., coin vietnamien; je discutais avec un collègue dont le frère est médecin à Cam Ranh Bay. Il me dit que le bateau les ramène avec son frère vers Vung Tau. Il craint donc une attaque sur Cam Ranh. On parle, on parle. Tout à coup, à 8 h 25, nous entendons une sorte de supersonique crevant le mur du son. Ce bruit me rendait perplexe malgré l’explication du collègue vietnamien disant que l’on avait ressorti de vieux avions. Alors qu’il m’expliquait cela en détail, un autre bruit se déclenche juste au-dessus du lycée.
Cette fois, il s’agit de roquettes certainement, je me sens mal à l’aise, car je n’ai jamais essayé de roquettes… mais je n’ai pas le temps de penser; un troisième bruit nous fracasse les oreilles et la tête. "C’est un bombardement", dit le deuxième collègue… Alors là, je m’affale sur le tapis, car je sais ce qu’est un bombardement; le deuxième collègue se retrouve au tapis également pour le premier round !! Et puis tout ce vacarme cesse. Le collègue a mis sa main sur la mienne. On se relève, j’ai le cœur qui bat la chamade.
Que s’est-il passé ???
Immédiatement la nouvelle se répand en ville et au lycée : un jet a attaqué le Palais de l’Indépendance "Dôc Lâp".
Thiêu, attaqué, n’a rien… il vit déjà sous terre, peut-être ! Les élèves sortent dans la cour, ils étaient effrayés dans leurs classes: les uns croyaient que Hanoi attaquait, les autres que les Viêt Công étaient là. Quel émoi !
Déclaration à la radio vers 9 h20 : tout le monde chez soi sans exception, on va donner le couvre-feu 24 h sur 24. Alors, c’est la cohue, la masse qui déambule à pied dans les rues. Déferlement des enfants en ao dài blanche ou uniforme bleu marine, déferlement des vagues de hondas et voitures privées en toutes directions. J’arrive à la maison, enfin, et je retrouve Huong, 4 ans, vivante et Catherine Thi Soc, cardiaque, vivante !
Merci Seigneur.