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Le bonheur est dans le bánh cuốn.


Dương Đăng Viết Huệ

Ex MC

(À K-T, ma complice de l’époque).

Je me rappellerai toujours la première fois où K-T et moi étions allées manger du bánh cuốn au lycée Jean-Jacques-Rousseau, une épreuve si hasardeuse.


Cela faisait des jours que nous planifions cette escapade, car il y avait une rumeur qui circulait, disant que c’était le meilleur bánh cuốn en ville. Prenant notre courage à deux mains, nous sommes parties au pays des lycéens (mâles). Nous avions attendu qu’il n’y eût plus personne pour nous approcher de la marchande ambulante afin de commander le délectable bánh cuốn. Au moment d'être servies, nous constations que nous étions dans une très fâcheuse situation: comment s’asseoir avec classe sur un minuscule tabouret bas quand on porte une mini-jupe ? (question existentielle me diriez- vous!).


Nous ne pouvions quand même pas manger debout puisque nous voulions que notre présence fût aussi discrète que possible. Car en plus d’avoir transgressé les interdictions de nos parents (surtout à cause de l’hygiène des aliments vendus dans les rues), nous étions de nature très timide. Nous ne voulions pas que les garçons sachent que nous nous étions aventurées chez eux (je croyais vraiment qu’ils nous remarque- raient, deux demoiselles âge tendre égarées dans leur galaxie…). Alors, après s'être consultées des yeux, d’un commun accord, nous nous étions mises côte à côte, nous croisions nos jambes et nous nous glissions tranquillement sur le tabouret; malheureusement nos jupes se retroussaient comme par magie dès que nous faisions un mouvement. Avec nos vaines acrobaties et nos multiples contorsions dignes des saltimbanques de cirque, nous ne réussissions pas à trouver une pose élégante ou gracieuse. Pour ma part, je me tortillais, j’essayais d’étirer ma jupe, mais elle remontait tout le temps dès que je la lâchais. J’avais même tenté de faire dépasser mon jupon suffisamment pour couvrir mes genoux - peine perdue - le jupon étant encore plus court que la jupe. J’avais l’impression à ce moment-là que tout le monde me regardait et se moquait de moi. J’étais devenue écarlate de gêne (et même de honte), j’avais chaud, je commençais à transpirer abondamment et ma tête s'était mise à bourdonner. On aurait dit que cela durait une éternité. Et comble de malheur, ce qui devait arriver arriva: le nước mắm (cette fameuse saumure indispensable à notre cuisine mais qui sent si mauvais…) s’échappa de l’assiette et éclaboussa mon vêtement.


J’avais l’impression que c’était la fin du monde.


À cet instant, j’avais le goût de rentrer sous terre et mon seul souhait était de devenir invisible! Voyant notre malaise et ma maladresse déconcertante, la marchande, d’une voix douce, nous suggéra: "Tụi con ngồi chòm hỏm đi, cô che cho" ("Mes enfants, asseyez-vous sur les talons, je vous protégerai des regards indiscrets"). Enfin nous avions mangé dans la position à peine accroupie, assise sur les talons, les genoux sur le tabouret. Nous avions avalé notre plat sans vraiment goûter et vite nous avions déguerpi, en espérant que personne ne nous avait vues dans cette posture pénible, embarrassante voire indécente.


Nous sommes retournées plus tard, mieux habillées cette fois-ci, en jupe plissée longue jusqu’aux genoux, pour faire honneur à ce plat tant rêvé. C’était tout simplement délicieux. Et après quelques escapades, j’avais réussi à surmonter ma gêne et ma timidité maladives.


La morale de l’histoire?

- Pour vaincre la gêne et la timidité, rien de mieux qu’un plat de bánh cuốn !



Dương Đăng Viết Huệ



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