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Le rendez-vous des Ardennes.

Ngọc Thọ

MC 75

Quand j'ai accepté l'invitation de Cathy de me joindre à elle pour une excursion dans les Ardennes, je pensais saisir l'occasion pour revoir une ancienne camarade de classe du lycée Marie-Curie. Après toutes ces années, nous avons sûrement plein de choses à nous dire, et d'innombrables souvenirs à évoquer.


Mais j'étais en même temps un peu inquiète parce qu'en dehors de Cathy et de son mari, vivant aux Etats-Unis et de passage à Paris, je ne connaissais pas bien les amis de la promo 65 qui participeraient à cette réunion. Je me sentirais à l'aise si je rencontrais des gens agréables. Dans le cas contraire, je me bornerai à remplir mon rôle de participante sérieuse et distante. Mais j'avoue que cela ne serait pas facile, car ce n'est pas dans mes habitudes.


Les deux premières personnes dont j'ai le plaisir de faire la connaissance est le couple Trí et Linh qui sont assez aimables pour m'emmener avec eux dans leur camping-car pour le long trajet jusqu'aux Ardennes. Un incident dû à mon étourderie fait que j'arrive avec un retard de trente minutes à notre rendez-vous, tout simplement parce que je confondais Boissy-Saint-Léger, où Trí et Linh m'attendaient, et Bussy-Saint-Georges. Je suis extrêmement gênée et me confonds en excuses. Heureusement, l'incident est vite oublié et nous bavardons avec entrain durant le long trajet de quatre heures jusqu'à Celles. Nous nous arrêtons pour déjeuner devant une auberge sur le bord de la route, choisissant une table en plein air pour profiter du cadre splendide au milieu du soleil et de la verdure. Je respire à pleins poumons l'air printanier qui annonce déjà un été précoce. Comme beaucoup de mes compatriotes, le soleil tropical me manque dans ces pays froids qui nous accueillent dans notre exil.


Nous arrivons enfin au lieu de rendez-vous de la promo 65. Le premier qui vient vers nous pour nous accueillir est Lê Chí Thiện, l'organisateur de la rencontre, avec l'aide de Mỹ Linh et de son mari. Cela me fait vraiment plaisir de revoir Cathy. Je la regarde longuement, heureuse de constater qu'elle résiste bien aux ravages du temps. Pourtant, les années passent, nous avons atteint la cinquantaine et pour ma part, je suis grand-mère depuis déjà pas mal de temps. Qu'il est loin, le temps où elle et moi étaient encore des gamines qui partageaient des friandises dans la cour du lycée.


Lê Chí Thiện nous fait visiter une ancienne demeure des Ardennes, une austère bâtisse au bord de la Lesse. La propriétaire, d'origine allemande, est absolument charmante. Elle nous invite à prendre un verre dans son jardin. En voyant des chaises longues disposées sur l'herbe, Mỹ Linh et Toản, probablement épuisés après un long voyage, ne résistent pas au désir de s'y allonger et de piquer une somme. De leur côté, Héléna, Robert et Richard somnolent dans leurs fauteuils. Ceux qui restent bavardent gaiement, échangeant bruyamment nos souvenirs. Les rires fusent, tels des pétards le jour du Têt, comme nous avons l'habitude de dire en vietnamien. Nous sommes redevenus des adolescents insouciants d'antan, loin des tracas de la vie quotidienne.


En dehors de Cathy et Toàn, il y a des amis que j'ai souvent eu l'occasion de rencontrer lors des réunions de l'Amicale des Anciens Elèves du lycée Jean-Jacques-Rousseau, comme Bernard et Monique Lý văn Mạnh, le couple Trần Kim Sơn - Ái Dung, Rosa et Richard Bodini, Robert Trương Tấn Trung, Đỗ Đức Nhuận, Isaac Barmat ainsi que le couple Trần Nhân Minh Trí - Mỹ Linh. Je fais la connaissance de nouveaux amis venus des Etats-Unis : les couples Fred et Cẩm Vân ainsi que Phan Công Chí et Khánh Linh. Un autre couple vient de Suisse : Héléna Nhung et Gabriel Douçot. Il faut enfin citer les organisateurs de notre séjour: Mỹ Linh et son mari Thanh Tùng, et Lê Chí Thiện, tous résidant en Belgique.


Je me sens agréablement à l'aise en leur compagnie. Peut-être c'est parce que nous sommes tous issus d'un même enseignement, imprégnés d'une double culture franco-vietnamienne, qu'il nous est aisé de nous sympathiser.


Voyant que Robert Trung est réveillé après sa sieste, je l'invite à monter sur la balançoire afin que nous puissions assister au fameux spectacle de "Ò e Robert đánh đu". Il s'exécute de bonne grâce devant une forêt de caméras. On se croirait au festival de Cannes avec Robert comme grande vedette.


Thiện l'organisateur annonce pour ce soir une nuit blanche. Le point de rassemblement est situé rue de la Chapelle Donat, pas très loin de mon lieu d'hébergement. Je m'y rends lentement à pied, en goûtant la sérénité et la tranquille beauté de la campagne ardennaise. Je reconnais le joli petit village de Foy Notre Dame blotti sur le flanc d'une colline verdoyante. Le soir descend mais le paysage reste inondé de soleil, dont les rayons traversent les feuillages pour projeter des taches sombres sur la route.


Les femmes du groupe s'occupent à la préparation du repas. Au cours du cocktail, je remarque la présence d'un nouveau couple venu de France, Trần Toản et Gabrielle. Après le repas, tout le monde se retrouve sur la piste de danse. Au son de la musique sélectionnée avec soin par Thiện, les vieux amoureux revivent les instants magiques des années 60 de leurs premières rencontres. Assise près du bar, je me charge des jeux de lumières et me porte volontaire pour servir ceux qui ont besoin de se désaltérer. Les célibataires du groupe préfèrent rester bavarder à l'extérieur, dans la cour. Une heure du matin, c'est à regret que le groupe se sépare en se donnant rendez-vous dans quelques heures pour le petit déjeuner.


Le matin, en reprenant le trajet de la veille, je rencontre Ái Dung et nous faisons le chemin ensemble. En marchant, nous entendons quelqu'un nous appeler. En voyant Phan Công Chí derrière nous, nous ne résistons pas à l'envie de lui jouer un tour, et sans un mot, nous nous mettons à courir. Ne comprenant rien, il se met à notre poursuite et nous entamons un improbable marathon. Quand Ái Dung et moi décidons enfin de nous arrêter, Phan Công Chí tout essoufflé explique qu'il voulait simplement nous dire bonjour. Il s'est lancé dans cette course poursuite parce qu'il ne savait pas pourquoi nous nous mettions subitement à courir. Enfin, c'est notre façon à nous de faire notre gymnastique matinale.


Après le petit déjeuner, chacun est libre de choisir son programme de visite pour la journée. Rendez-vous est donné au restaurant Le Grand Virage pour une dernière soirée avant la séparation.


Ce nouveau lieu de réunion est un autre endroit splendide, au mileu d'un cadre somptueux de collines et de vallées. Nous y rencontrons Georges Nguyễn Cao Đức tout juste venu de Paris. Nous prenons l'apéritif sur la terrasse du restaurant. Mon amie Cathy est plus ravissante que jamais, dans son élégante robe grise. Mais les autres convives sont aussi, il faut le reconnaître, très belles.


C’est notre dernière rencontre. Je crois apercevoir dans les yeux de chacun un soupçon de tristesse alors que le moment d’adieu approche. Nous retournerons à notre vie de tous les jours, quittant cette forêt des Ardennes déjà remplie de souvenirs. Alors que la chanteuse interprète "Une chanson douce", je vois les beaux yeux de Cẩm Vân embués de larmes. Couple par


couple, mes amis se rendent sur la piste de danse : Cathy - Toản, Cẩm Vân - Fred, Héléna - Gabriel, Mỹ Linh - Minh Trí, Khánh Linh - Công Chí, Toản - Gabrielle, Monique - Bernard, Mỹ Linh - Thanh Tùng… Ils sont mariés depuis de longues années mais ils ont l'air de jeunes amoureux dans les bras l'un de l'autre. Les autres hommes bavardent sur la terrasse. Georges et Nhuận, appareils de photos à la main, collectionnent des prises de vue pour illustrer leur compte rendu de la réunion qu'ils enverront à tout le monde, tandis que notre camarade Thiện, toujours absorbé dans son rôle de chef d'orchestre, enchante toute l'assistance avec son répertoire de chansons d'amour des années 60.


Deux heures du matin, dans le regret de chacun, il va falloir nous dire adieu pour rendre le restaurant à ses propriétaires. Il reste encore un long trajet à faire, le lendemain matin.


Pour le voyage du retour, Toản et Gabrielle me proposent gentiment de me ramener dans leur voiture. Quand nous traversons la forêt près de la frontière entre la Belgique et la France, je me souviens avoir fait le trajet inverse, trois jours plus tôt, pour ce voyage vers les Ardennes où s'est déroulée la réunion de cette année des amis de la promo 65. Ils ont déjà pris rendez-vous pour l'automne 2010, cette fois-ci en Californie, où Toản et Cathy ainsi que Cẩm Vân prendront la relève pour recevoir la promo. Nul doute que tous trouveront le temps très long avant cette nouvelle réunion.


Pour ma part, je me souviendrai toujours de l'accueil chaleureux que tous m'ont réservé. Je remercie Cathy de m'avoir invitée et de me permettre ainsi de partager quelques moments inoubliables avec ses amis de la promotion.


Ngoc Tho.

2009.


Recueils
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