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Nostalgie de l’adolescence.

Brigitte Thúy Mai

MC 75


Ah le lycée Marie-Curie ! C’est la nostalgie de l’adolescence, le temps de l’insouciance, des rêveries, de la découverte, des émois, des petits tracas avec les copines, le stress d’une interrogation écrite surprise ou d’un devoir de contrôle. Surtout parce que la veille, on a grapillé sur le sommeil pour lire un roman d’amour à l’eau de rose, au lieu de réviser ses leçons ! soixante huitarde à fonds avec ses jupes froncées larges qui rappellent les imprimés de l’Inde !


Mademoiselle Messager, notre professeur de français, était très aimée de nous tous (même si nous lui causions plein de misère), c’était la seule prof qui nous gâtait avec ses bonbons Dufour aux fruits importés de France SVP ! Elle nous appelait "mes agneaux" ! Ce terme affectueux et trop sage ne nous convenait pas du tout, car nous étions plutôt démons à tous niveaux… Elle avait du mérite : elle usait parfois de toute sa patience pour que nous nous intéressions à ses cours.


Mademoiselle De Clercq, notre professeur d’histoire et de géographie, était bien dans le ton de la mode à l’époque, elle était à l’opposé du look de Mademoiselle Messager : chignon de vieille fille et les sempiternelles robes à plis en-dessous des genoux ceinturées à la taille ! Il ne lui manquait plus que la cornette et le missel pour ramener ses "agneaux" dans le droit chemin !


Notre professeur de comptabilité, l’incontournable Monsieur Madamet, beau brun aux yeux ténébreux, toutes les filles lui faisaient des yeux de biche égarée ; on le trouvait magnifique, il est arrivé au même niveau qu’Alain Delon ! Je peux vous dire qu’aucune fille ne séchait ses cours, même celles qui avaient de mauvaises notes en compta comme moi ! On savait qu’on n’avait pas notre chance auprès de lui, mais on pensait qu’il avait une belle et jeune petite amie quelque part …


Quelle ne fut notre déception quand une de nos copines nous annonçait un jour qu’il allait se marier avec notre professeur de sténo-dactylo : une femme de dix ans son aînée, divorcée avec un garçon de 14 ans ! Et nous étions encore plus abasourdies en apprenant qu’ils vivaient ensemble déjà en Afrique bien avant d’arriver à Saïgon ! Enfin ça fait partie des mystères de l’AMOUR !


Vous rappelez-vous les surprise- parties avec nos professeurs ? Oui c’est bien ça, on disait "surprise-partie", le mot boum n’existait pas, enfin pas au Viêt- Nam ! Je me souviens d’une surprise- partie chez notre professeur de sténographie, une jeune femme blonde souvent avec un chignon, qui s’habillait à la mode, avec des robes fendues jusqu’aux cuisses ! Je peux vous dire que les garçons ont bien apprécié ses tenues ! A propos de cette surprise-partie organisée en fin d’année scolaire en présence de Monsieur Madamet, c'est-à-dire fin juin, avant que les professeurs rentrent en France prendre leurs vacances au sein de leur famille, il y avait notre classe au complet. Eh bien ce jour-là, j’ai dansé avec Monsieur Madamet (l’unique fois), devant les copines envieuses de mon sort ! Par contre, j’ai eu affreusement honte devant vous, car à 23 heures, ma mère est venue me chercher avec mes frères et sœur et il a fallu que Monsieur Madamet et quelques copines arrivent à la convaincre pour qu’elle me laisse rentrer accompagnée après minuit.


Je vous raconterai aussi deux anecdotes drôles (maintenant) auxquelles certains éléments perturbateurs de la section technique ont participé.


Un jour que je conversais tranquillement près de la porte d’entrée du lycée, Ngoc Tho Joséphine (connue pour ses espiègleries et son esprit taquin), s’est approchée de moi en brandissant près de mon visage une brindille où se tortillait une chenille bien velue !


La panique m’a saisie, et me voilà toutes jambes dehors, j’essayais d’échapper à cette image cauchemardesque ! A croire que cela amusait beaucoup Ngoc Tho qui a décidé de me poursuivre. La première fois, j’ai fait le tour du lycée, je n’ai jamais couru aussi vite ! La deuxième fois il y avait un beau lézard, je reconnais que sans l’intervention de mon amoureux de l’époque, j’aurais fait encore le tour du lycée, sans savoir comment me sortir de ce mauvais pétrin.


Mais ne croyez pas que j’ai subi uniquement les taquineries de Ngoc Tho, car nous avons eu des moments de confidences sur la famille, l’amour etc… Et je l’avoue, j’appréciais beaucoup plus Ngoc Tho dans ces moments où elle était plus calme, plus à l’écoute !


Je souris maintenant en revoyant ces scènes qui m’ont marquée, mais une chose est importante à mes yeux : mon amitié mutuelle avec Ngoc Tho, qui après des années de perte de vue, n’a pris aucune égratignure; elle s’est même développée avec beaucoup d’affection.


Et vous, souvenez-vous de Joseph Bigot ? A cette époque, c’était un élément de trouble, connu avec la famille Sandjivy, qui a donné beaucoup de fils à retordre à notre professeur de français, Mademoiselle Messager. Plus d’une fois, il n’a rien trouvé de mieux à faire que d’exposer pendant le cours, des reptiles de toutes sortes : orvet, lézard, grosses chenilles et devinez où ? … derrière mon dos ! S’ensuivent des hurlements d’horreur de ma part bien sûr et l’intervention de Mademoiselle Messager pour que le calme revienne.


Je ne peux pas vous citer tous les professeurs qui nous ont marqués par leur dévouement, leur gentillesse, leur humour, leur professionnalisme. Mais cette vie au lycée "en communauté" a sûrement forgé notre personnalité et construit notre avenir.


A propos de mes camarades de classe, hormis la complicité pour organiser des "missions secrètes", c’était le partage d’émotions, de sentiments, où le vrai sens du mot AMITIE avait une valeur… Et les chansons des Beatles, qui n’a pas aimé "Imagine" et le fameux pendentif Peace and Love au cou ? C’était aussi l’époque où nous adoptions parfois sans discernement les idées venant de France, pays de référence… C’était aussi la grande mode d’échanges avec des correspondants étrangers : Suisses, Belges, Allemands etc. peut-être parce que notre pays d’origine est si loin de l’Europe et aussi parce que nous avions soif d’apprendre.


A tous mes camarades qui m’ont connue de près ou de loin, je vous envoie mes pensées chaleureuses, je vous remercie d’avoir vécu avec moi cette période plus ou moins innocente et inoubliable. Je vous souhaite enfin un chemin jonché de fleurs, de cadeaux de la vie, en un mot le BONHEUR.


Brigitte Thúy Mai.



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